Bienvenue dans l'Archipel



L'Archipel est une expérimentation qui regroupe des micro-collectifs souhaitant travailler autour de sujets communs : recréer des solidarités entre travailleur·e·s autonomes, rapport au travail, articulation de plusieurs activités et de plusieurs "vies". C'est une envie de trouver une autre manière d'oeuvrer, en respectant nos rythmes, nos envies et sans se précariser. A terme, c'est l'ambition de créer une mutuelle de travail (#Bigre).


Les dogmes du passé serein sont inadéquats pour le présent tempétueux. Les circonstances voient les difficultés s’accumuler, et nous devons nous élever avec les circonstances. Comme notre cas est nouveau, nous devons penser et agir de manière nouvelle. Abraham Lincoln, 1862.

La norme du plein emploi, en CDI et à vie dans une même entreprise a disparu depuis longtemps. Si certaines organisations, tels les syndicats, continuent de lutter pour restaurer cette norme, et que cette lutte permet de ralentir la progression inexorable du libéralisme capitaliste dans les entreprises, quelques pionnier·e·s tentent, depuis plusieurs années, de faire entendre une voix différente : non subordination, émancipation par l’économique, nouvelles solidarités, coopérations …. Pourtant, les outils et dispositifs restent ceux du plein emploi : l’assurance chômage dont les conditions d’accès sont de plus en plus difficiles, CESA qui nécessite une puissance économique à temps plein, sécurité sociale morcelée pour les plus précaires, retraites discriminantes pour les parcours de vie les plus chaotiques, etc.
Comment lutter ? Nous pouvons descendre dans la rue lors des manifs, nous pouvons voter pour des programmes politiques promettant la restauration d’un ordre social, nous pouvons tenter de créer des communautés de territoire. Mais comment changer réellement le rapport au travail, et inventer un univers professionnel permettant un revenu décent, sans s’imposer d’auto-exploitation ou s’user dans un rapport de force ?
Dans son ouvrage « Scions… travaillait autrement » Michel Lulek pose les deux types de réponses qui sont en général apportés à la résolution de la crise du travail. Le premier est de souhaiter le retour du plein emploi par le retour d’une croissance forte. Dès que l’appareil économique sera relancé, la création d’emplois suivra. Le deuxième champ a enterré la solution purement économique de la croissance. Des chercheurs et analystes pensent que le travail ne redeviendra plus ce qu’il était, qu’il faut travailler autrement. « Ce n’est pas le travail qui manque, c’est nous qui manquons de clairvoyance pour comprendre qu’il est en train de changer radicalement ; et qui n’avons pas assez d’imagination pour l’organiser autrement . »
Les initiatrices du projet de l’Archipel ont de l’imagination, et proposent de sortir de la conception scolaire de la linéarité des parcours professionnels pour inventer elles-mêmes le monde dans lequel elles rêvent d’œuvrer : un Archipel de micro-collectifs, où chaque « îlot » est composé de 2 à 6 travailleur·se·s autonomes travaillant en proximité géographique et/ou intellectuelle. Les îlots sont reliés entre eux au gré des besoins (mutualisations, solidarités, opportunités de travail commun etc.).

3 grands axes de travail dans cet Archipel :
- Dé-corréler le revenu du travail : le revenu est régulier, et provient de sources diverses : contrats courts ou longs, chômage, indemnités journalières, etc. L’activité rémunérée est une partie de la construction, mais la sécurisation vient d’un accompagnement global prenant en compte toutes les sources de revenus. L’activité, elle, est comme en intermittence : une alternance de temps de pause, de créativité, de travail « productif ».

- Une protection sociale continue, via le régime général de la sécurité sociale et éventuellement un format à inventer de mutuelle complémentaire non liée au statut du contrat.

- Mise en réseau et en résonance des travailleur·se·s autonomes, et des activités collectives ou individuelles : réfléchir et mettre en place des actions d’intérim solidaire, une bourse du travail, un fonds de solidarité, voire des objets de travail communs (sur l’épuisement professionnel, la place des femmes dans l’entrepreneuriat, etc.) avec des interdépendances choisies.

D’un·e travailleur·se autonome à l’autre, d’une activité à l’autre, les besoins ne sont pas les mêmes. Pourtant, il est possible de créer un écosystème dans lequel les travailleur·se·s sont accompagné·e·s pour créer leurs propres solutions, avec un support technique, et contribuent à modéliser un fonctionnement pérenne. Enfin, la dimension réflexive de ce modèle est indispensable pour réellement proposer un changement de société.

Ce changement est théorisé par André Gorz dès 1990 : Le problème de fonds auquel nous sommes confronté·e·s est celui d’un au-delà de l’économie et, ce qui revient au même, d’un au-delà du travail rémunéré. La rationalisation économique libère du temps, elle continuera d’en libérer, et il n’est plus possible, par conséquent, de faire dépendre les revenus des citoyen·ne·s de la quantité de travail dont l’économie a besoin. Il n’est plus possible, non plus, de faire du travail rémunéré la source principale de l’identité et du sens de la vie pour chacun·e.
La tâche d’une gauche, si gauche il doit y avoir, consiste à transformer cette libération du temps en une liberté nouvelle et en droits nouveaux : le droit de chacun et de chacune de gagner sa vie en travaillant, mais en travaillant de moins en moins, de mieux en mieux, tout en recevant sa part de richesse socialement produite. Le droit, d’autre part, de travailler de façon discontinue, intermittente, sans perdre durant les intermittences de l’emploi le plein revenu – de manière à ouvrir de nouveaux espaces aux activités sans but économique et à reconnaitre à ces activités qui n’ont pas la rémunération pour but une dignité et une valeur éminentes, tant pour les individus que pour la société elle-même.


La démarche de travailler sur ce qui est vécu, réalisé par les travailleur·se·s est primordiale pour regarder ce qui peut être transposé, ce qui peut être amélioré et perpétué, en définissant dès le début une prise de temps et de recul sur les actions menées. L’objet est également, par ce temps « sanctuarisé », de lutter contre son accélération permanente.
Deux formats sont envisagés pour cette capitalisation, pour toucher des publics divers :

- un format audio, adapté sur la forme et l’accessibilité. Certain·es ont déjà mené ces expériences de podcast, ou d’émission radio dédiées, notamment au travers de la Bigre Radio. Ce format nécessite deux fonctions clés : la fonction technique de réalisation et de diffusion, et celle de créations de contenus, mise en lien, et architecture de l’information.

- un format écrit, via des publications, dans les réseaux d’entrepreneuriat (coopératif ou non), sous licence Creative Commons CC-BY-ND, comme cela a pu être expérimenté avec « Quand la naissance s’invite au travail », diffusé à prix coûtant sous forme de livre par les coopératives partenaires, et accessible gratuitement en ligne. Des articles, plus courts, pourraient être diffusés au fur et à mesure, notamment via une coopération (en construction) avec la Manufacture Coopérative.
image Hélène contrats de travail