1.4-a Lectures - Trucs et astuces d'animation

Que l'on soit en présentiel ou à distance, l'organisation et l'accompagnement d'un groupe se pensent, se réfléchissent en amont des situations que celui-ci va rencontrer : c'est aux animateurices qu'incombent cette mission.

Gestion de projet : 2 conceptions

En gestion de projet, on distingue deux grandes tendances :

• agir "en intention". L'animateurice prévoit dès le début un « cahier des charges » avec les objectifs, les moyens, les étapes du déroulement du projet, le calendrier, le budget... Il travaille sur la totalité du projet jusqu’à la « livraison » du projet que les bénéficiaires (ou groupes) vont découvrir « tout fait ». C'est la méthodologie de projet traditionnelle.
• agir "en attention". Dans cette approche, l'animateurice identifie qu’un groupe exprime des besoins similaires et créé les conditions de coopération entre les personnes. Il ne s’agit pas d’anticiper ou recenser les besoins à la place du groupe mais de créer les situations de coopération qui vont permettre de les faire émerger par le groupe lui-même. L'animateurice peut alors :
  • impulser des rencontres pour échanger, faciliter l’expression des besoins du groupe, proposer des animations pour que les personnes dessinent les contours du projet, l'ajustent au fur et à mesure qu’il se construit…
  • être à l’affût et réactif en proposant des supports pour que ce qui a émergé de la situation coopérative puisse déboucher sur des projets, des actions, du travail coopératif... C'est la méthodologie de projet coopératif.

Pour aller plus loin sur intention/attention : une courte vidéo de Jean-Michel Cornu

Notre approche pour piloter une gare centrale

Dans le cadre de la mise en place d'une plateforme collaborative Yeswiki (gare centrale), nous préconisons la gestion de projet "en attention".
Chaque groupe étant singulier, pour collaborer via un outil numérique (en complément de rencontres physiques), il convient de prendre en compte :

• le rapport aux outils numériques des personnes,
• leur niveau de connaissances et de pratique de la "famille" d'outils wiki,
• les besoins des futurs utilisateurs.

L'appropriation de l'outil passe par un accompagnement méthodologique de l'animateur.ice.

L'animateurice doit apprendre à se situer à la juste distance du groupe : suffisamment proche pour observer le groupe et lui proposer un accompagnement adapté à son développement ; suffisamment éloigné pour lui permettre de mûrir à son rythme. C'est en quelque sorte la posture d'un équilibriste ! Pour l'animateurice, cela passe par la nécessité de s'astreindre à se taire, à mettre ses idées de côté et plutôt privilégier une attitude d'écoute et d'observation.

Exemple de pilotage en attention
Très souvent, pour faire émerger des besoins collectifs, l'animateurice réalise un questionnaire. Le réflexe n'est par forcement de partager collectivement les résultats. C'est pourtant essentiel ! Pour que le groupe participe aux réflexions et pour qu'ainsi le pouvoir d'action lui soit rendu. Bazar est fait pour ce type de réalisation car il permet de traiter les réponses avec un rendu visuel. Donner à tous en temps réel les résultats permet à l'animateurice de ne pas garder le monopole de la vision globale : la production du groupe est rendue visible au groupe lui-même.

S'entourer de bon "suiveurs"
Il est commun de dire que c'est de la qualité de l'animation que dépend la vie d'une communauté. C'est bien entendu en partie vraie. Dans cette courte vidéo récréative, il est expliqué que le leadership est indispensable pour initier la dynamique, mais que sans suiveurs eux-aussi impliqués dans l'action, il n'en serait rien.



Pensez à identifier vos alliés : il peut s'agir de quelques complices qui vont tester le wiki en avant-première, vous faire des retours et en devenir les ambassadeurs.

Démarche d'accompagnement vers la gare centrale

Pour prendre en compte le rapport aux outils des personnes, leur niveau de connaissances et de pratique, les besoins des futurs utilisateurs, il convient de :

• proposer un cadre sécurisant,
• faire vivre des expériences positives avec les outils numériques,
• proposer une progression pédagogique adaptée aux personnes.

Proposer un cadre sécurisant

Certaines personnes sont démunies face aux outils numériques. Il sera plus facile de lever d'éventuelles appréhensions de votre collectif en étant physiquement dans la même salle car un échange direct peut s'opérer entre vous et les personnes : les accompagner dans la réalisation d'une tâche, répondre à des questions, les rassurer sur la technique, etc. L'idéal est aussi d'accompagner la découverte sur leur propre ordinateur. Si une expérience positive se réalise, elles seront plus enclin à la répéter seules, dans un autre cadre et ouverte à tenter une nouvelle expérience.

Quand votre collectif s'est familiarisé et approprié quelques outils numériques, il devient possible de présenter votre wiki et son fonctionnement en présence (ou au moins en synchrone, pendant une visio par exemple). Si vos membres découvrent individuellement le wiki que vous avez construit en ouvrant le lien d'un mail, ils risquent de se sentir seul.e.s dans leur navigation et ne pas oser l'explorer ou poser des questions.

Faire vivre une expérience positive

Pour accompagner un collectif vers l'appropriation d'outils numériques et une gare centrale, il convient de procéder chemin-faisant et d'associer les utilisateurs : faire avec, faire expérimenter, prendre en compte les appréhensions potentielles des personnes...
Il y a un enjeu fort à "Faire vivre une expérience irréversible de coopération à travers les outils numériques" : que les personnes aient envie de la reproduire. C'est à ce prix que votre gare centrale pourra se développer.

Aller plus loin sur la notion d'expérience

Proposer une progression pédagogique adaptée aux personnes

Commencer du plus simple au plus compliqué
Pour commencer, proposez des outils faciles à prendre en main par les utilisateurs.
Lorsqu'on aborde l'utilisation d'outils informatiques, la première marche est la plus importante à passer. Si la première manipulation est simple, les contributeurs, rassurés auront envie de s'investir un peu plus et accepteront plus volontiers d'y investir un petit temps de formation ou de prise en main.
On peut même envisager de cacher des fonctionnalités dans un premier temps et attendre que le groupe grandisse en maturité avant d'ajouter des briques progressivement. Ou attendre que la demande soit exprimée et faire évoluer le dispositif technique en fonction des propositions du groupe.
Pour la construction de votre wiki, vous n'allez donc pas mettre en place toutes les fonctionnalités que vous imaginez dès le début. Nous vous invitons à commencer par l'essentiel et à garder précieusement vos idées plus complexes pour faire évoluer votre wiki dans le temps.

Par exemple. A l'occasion d'une réunion, faire vivre l'expérience de rédiger un compte rendu sur un pad à deux ou trois mains (ou à plus encore) et de le rendre visible de tous (rédacteurs et observateurs) est déjà une première expérience. Une seconde étape vise à faire vivre à tous l'expérience de rédacteur d'un pad.
Au fil du temps, en répétant des expériences simples, en présence, le collectif découvre et se familiarise avec de nouveaux outils numériques.

Commencer en présence (ou au moins en synchrone)
L'expérience d'une période sanitaire obligeant à garder des distances sociales a permis un développement rapide des outils numériques, y compris avec des personnes qui n'y étaient pas familiarisées. Chacun a pu mesurer l'intérêt des outils numériques pour garder la dynamique d'un collectif malgré la distance.
Au vu de cette expérience vécue, aujourd'hui, des nouveaux questionnements émergent autour de : comment trouver un juste équilibre entre présentiel et distanciel ? Lorsqu'on parle de "réseau coopératif", on envisage une communauté qui n'est pas toujours sur le même espace-temps : il y a du travail à distance, des échanges synchrones et asynchrones. A l'inverse, rares sont les communautés virtuelles qui fonctionnent exclusivement à distance : les regroupements, les rencontres sont conçus comme des temps forts de la dynamique de réseau.

Pour instaurer un travail en réseau, il est judicieux d'exploiter ce temps "en présence" pour tester et expérimenter des outils et méthodes qui pourront perdurer à distance : mettre en oeuvre en présence ce que l'on veut mettre en oeuvre à distance. Ceci permettra de se familiariser, de se former et d'assurer une continuité entre présence et distance.

2 exemples d'expérience
1/ lors d'une rencontre d'un réseau, l'un des membres pose une question à l'assemblée. Tout le monde peut proposer une ou plusieurs réponses sur des petits papiers et en y précisant ses coordonnées. Les réponses sont synthétisées et rendues visibles à tous. Puis la personne qui a posé la question récupère les contacts des personnes ayant répondu et créée une liste de discussion pour continuer à échanger à distance.
2/ Mettre en place des outils pour travailler à distance va inévitablement soulever des questions sur les modes de fonctionnement en présence : les règles de prise de parole, de prise de décisions, etc. car ces éléments sont souvent implicites. Dans un groupe, la rédaction des compte-rendus de réunion est souvent assumée par une seule personne. Si on met en place un outil de co-rédaction pour prendre des notes, cela soulève des questions : tout le monde peut écrire ? qui valide ? Cet exemple montre que ce n'est pas l'outil qui pose des problèmes, il soulève simplement les questions.

Prendre en compte les besoins des futurs utilisateurs
Etre à l'écoute du collectif devrait permettre à l'animateurice d'atteindre deux objectifs :

• 1. repérer les besoins du groupe, que l'on peut catégoriser ainsi :
  • les besoins de créativité,
  • les besoins de décision,
  • les besoins d'apprentissage,
  • les besoins de communication,
  • les besoins de stockage et d'archivage.
  • La mission de l'animateurice sera de trouver l'outil adapté aux besoins du groupe.
• 2. proposer une gare centrale à expérimenter en la co-construisant avec ses utilisateurs. Un des besoins des futurs utilisateurs est de s'approprier la gare centrale. En associant les futurs utilisateurs à l'élaboration de la gare centrale, cela contribue à leur en faciliter l'appropriation.

Pour faire émerger les besoins de votre collectif, il convient d'interroger les personnes concernées en fonction de leur statut (ex : administrateur, adhérent, bénévole, professionnel, etc.). Voici une proposition de fiche ressource à utiliser avec votre collectif.

Prendre soin de soi-même, en tant qu'animateurice

A noter que l'animateurice du collectif a parfois lui-même besoin qu'on prenne soin de lui. Tel un coureur, il n'est pas toujours facile d'être en tête !

Espace d'expérimentation
L'animateurice doit toujours avoir "un coup d'avance" pour accompagner le collectif. De fait, il a besoin d'expérimenter des fonctionnalités pour se rassurer et surtout être à l'aise pour le présenter à son collectif, le guider. Il est tentant de l'expérimenter sur une page visible du public : erreur ! Plusieurs solutions existent :

• s'exercer sur la page BacASable, une page d'expérimentation dédiée (sans être vu),
• se créer un espace dédié,
• préparer des pages qui restent cachées jusqu'au moment de leur diffusion publique.

Personnes et espaces ressources
Par ailleurs, l'animateurice peut s'entourer pour ne pas faire face seul.e à d'éventuelles difficultés rencontrées. Voici quelques pistes :

• en interne : s’entourer de personnes issues de son collectif avec qui il est possible d'échanger
• en externe :
  • mettre en place une liste de discussion avec les participants du parcours de la formation Yeswiki
  • Se tourner vers le forum d'entraide Yeswiki
  • éventuellement, solliciter un accompagnement professionnel pour le lancement de la gare centrale

Se regarder agir et prendre du recul

Pour vérifier de façon continue si l'on anime toujours en attention et si notre accompagnement est cohérent, l'on peut s'appuyer sur une fiche ressource, telle que celle-ci.